Le 26 décembre 1989, c'était la date à laquelle je pénétrais pour la troisième fois les terres désertes du nord du Tibet. Cette fois-là, je suis allé vers l'ouest. J'ai emprunté une voiture sur mon lieu de travail, ce qui m'a épargné du problème n°1 lorsqu'on voyage au Tibet : le transport.
Au cours du voyage, chaque fois que je me rendais dans une administration municipale, je profitais du temps de stationnement et de repos pour trouver un coin haut afin de capturer de mon propre ?il ce merveilleux monde de glace et de neige.
Dans la prairie, au milieu de l'hiver, l'eau s'égouttait en glace, le vent grondait sauvagement, les jours étaient extrêmement froids. Chaque fois que je montais sur le toit et que je me tenais aux murs pour prendre des photos, je cachais toujours mon cou dans mon manteau. Chaque fois que je levais l'appareil photo autour de mon cou, je ne pouvais prendre qu'une ou deux photos avant de devoir remettre mes mains gelées dans mon vieux manteau en peau de mouton pour les réchauffer.
Dans notre équipe, il y avait une collègue tibétaine très sympathique qui s'appelle Gama. Elle portait une robe tibétaine colorée, une cartouchière à la ceinture, un vieux pistolet et un appareil photo à la main. Elle était alors la magistrate du comté de Nagqu et elle est la directrice adjointe du Comité permanent de l'Assemblée populaire régionale du Tibet jusqu'à sa retraite l'année dernière.
En voyant que je mourrais presque de froid, elle suggéra à mon chef : "vous devriez faire une veste en fourrure d'agneau pour le reporter Tang, ou il aura trop froid pour prendre des photos !" Avant de venir, j'ai juste entendu parler de cette extraordinaire femme du nord du Tibet, sans la conna?tre en personne. Ce jour-là, le fait qu'elle se soucia du bien-être d'un journaliste inconnu, qu'elle ait parlé en sa faveur, m'a vraiment touché.
Quelques années plus tard, j'ai été affecté à Beijing pour le travail. Hua Weilie, une journaliste tibétaine du Qinghai, m'a dit à un moment donné à Beijing qu'elle s'était rendue à Yushu pour une entrevue et qu'elle avait rencontrée Gama, la magistrate du comté, lors d'une réunion. Cette dernière s'est déclarée impressionnée par ma ténacité de l'époque et a admiré mon esprit de travail assidu.
Lorsqu'elle s'est mise au travail pour la première fois, elle s'est rendue compte qu'il lui manquait beaucoup de connaissances. Par la suite, elle a étudié avec persévérance et ses capacités se sont rapidement améliorées. A l'age de 34 ans, elle devint la magistrate du comté de Nagqu, un des rare cas pour les femmes du comté dans l'histoire du Tibet. Gama aime la vie de berger au nord du Tibet. Elle aime l'équitation depuis son enfance. Elle était tombée à cheval à l'age de 13 ans et s'est blessée au poignet droit, ce qui lui a laissé une blessure visible même au jour d'aujourd'hui. Mais elle s'en fichait. Elle prenait rarement la voiture quand elle partait pour la campagne et préférait s'y rendre à cheval. Elle aimait aussi porter le pistolet qui lui a distribué à l'époque. Elle était courageuse et heureuse.
Fin 1993, peu de temps après qu'elle ait occupé le poste de commissaire adjoint du district de Nagqu, une rare catastrophe de neige s'est produite dans la partie ouest du nord du Tibet. Elle s'est mise en tête d'une équipe chargée de dégager la neige et d'ouvrir la voie pour transporter à temps les matériels de secours aux victimes locales. Au cours de plus d'un mois de secours aux sinistrés, elle a bravé le froid et la neige, frappé porte par porte pour réconforter les foyers des victimes, coordonné le travail de secours aux sinistrés, de sorte que personne ne mourut. Gama m'avais dit ? chaque jour au poste, je fais tout ce qui est bon pour les gens ; une fois retraité du poste, je retournerais dans les prairies pour y pa?tre le bétail et vivre quelques jours en tranquillité.
à la fin de 1994, Gama, alors commissaire adjoint du Nagqu, s'est rendue au Beijing Union Medical College Hospital pour apporter une montre (parmi d'autres) comme cadeaux d'anniversaire à Massy, l'orpheline tibétaine qui recevait un traitement pour paralysie cérébrale. Je m'y suis dépêché pour la rencontrer et l'interviewer dès que j'ai eu nouvelle de son arrivée à Pékin.
Gama est connue pour sa réputation d'être pragmatique dans l'administration pour le bien-être des gens locaux. De 1990 à 1993, alors qu'elle était chef de comté de Nagqu, elle a fait construire quatre routes, sept ponts routiers et cinq écoles primaires rurales.
Encore plus tard, je suis allé de Beijing au nord du Tibet pour un reportage, et j'ai rencontré Gama plusieurs fois par hasard, dans le comté de Shuanghu, le comté de Biru et la ville de Nagqu. Après avoir parcouru le livre ? Marcher dans les terres désertes du nord du Tibet ? que je lui ai offert, elle a accepté que je prenne des photos d'elle, en disant avec un sourire chaleureux, ? peut-être que quelques photos appara?tront dans votre livre ! ?
Gama a tous les bons traits de caractères des nord-tibétains que je connais. Les Tibétains du nord du Tibet sont généralement ouverts d'esprit, chaleureux et enthousiastes. Ils sont toujours francs les uns envers les autres, quels que soit leur profession, leur métier ou leur statut social. Ce sont des traits de caractères extraordinaires et précieux que l'on retrouve chez les gens qui vivent dans la vaste prairie du nord du Tibet.
(Rédactrice : Claire SHENG)