8 février 2020, Tokyo (Japon) : une jeune Japonaise récolte des fonds pour aider la Chine à lutter contre l'épidémie de coronavirus.
Alors que le Japon apporte son aide à la Chine, la poésie et la calligraphie soulignent les liens culturels qui existent entre les deux pays.
Lorsque l'écrivain américain Patrick Rothfuss a écrit ? Les mots peuvent allumer des incendies dans l'esprit des hommes. Les mots peuvent tirer les larmes des c?urs les plus endurcis. ?, pouvait-il s'imaginer que certains mots seraient suffisamment puissants?même après un millier d'années?pour continuer à susciter des larmes ?
Alors que la Chine lutte contre le nouveau coronavirus, de nombreuses citations ont circulé récemment sur les réseaux sociaux chinois avec une chose en commun : elles ont été écrites en caractères chinois et imprimées sur des colis donnés à la Chine par le Japon. Sur l'un d'eux contenant des masques et des thermomètres infrarouges, figure une phrase écrite il y a près de 1300 ans par un prince japonais envoyé à Wuhan, l'épicentre de l'épidémie : ? Même si les paysages sont divers, nous partageons le vent et la Lune sous le même ciel. ? Chen Wan, qui travaille au Bureau international de l'Université agricole Huazhong à Wuhan, raconte : ? Les larmes me sont montées aux yeux lorsque j'ai vu ces mots sur le paquet. ?
En contact régulier avec des Japonais pour son travail, Chen Wan est très reconnaissante envers le Japon pour son aide : ? Ces mots ont beaucoup encouragé la population de Wuhan. La Chine et le Japon ont tous deux des origines culturelles confucéennes et certaines choses que les Japonais ont faites me font sentir que Wuhan n'est pas seule dans cette lutte et que nous allons finir par vaincre cette épidémie, car nous sommes protégés par l'amour et l'amitié. ?
Bien entendu, l'aide à ceux qui se trouvent en difficulté peut prendre divers aspects. Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur-général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), a sans aucun doute pensé à cela, lorsqu'il a appelé la communauté internationale à porter assistance à la Chine, au cours d'un forum sur le nouveau coronavirus qui a eu lieu mardi à Genève. ? Les mesures sérieuses que la Chine prend à Wuhan et dans d'autres villes contre le virus requièrent des autres pays, qu'ils montrent leur solidarité envers la Chine ?, a-t-il souligné.
Solidarité politique
? Il s'agit d'un test de solidarité politique, de savoir si le monde peut s'unir pour lutter contre un ennemi commun, qui ne respecte ni les frontières ni les idéologies. Il s'agit d'un test de solidarité financière, de savoir si le monde va investir maintenant dans la lutte contre l'épidémie ou payer plus tard davantage pour en gérer les conséquences. Et il s'agit d'un test de solidarité scientifique, de savoir si le monde va parvenir à s'unir pour trouver des réponses partagées à des problèmes qui le sont tout autant ?, a insisté Tedros Adhanom Ghebreyesus.
L'amour universel est un concept fondamental du confucianisme. Cela était particulièrement évident lundi dernier, lorsque Toshihiro Nikai, le secrétaire-général du Parti libéral-démocrate (PLD ou Jimintō) au pouvoir au Japon, a indiqué que tous les membres de son parti à la Diète (le parlement japonais) donneraient chacun 5000 yens (42 €) à la Chine. ? Il est naturel d'aider un pays voisin, si quelque chose se passe là-bas ?, a-t-il expliqué.
Agé de 80 ans, Toshihiro Nikai, a déclaré vendredi dernier lors de sa rencontre avec l'ambassadeur de Chine au Japon, Kong Xuanyou : ? C'est dans l'adversité que l'on reconna?t ses véritables amis. Le Japon soutiendra la Chine et mobilisera le pays tout entier pour apporter soutien et assistance dans la lutte contre l'épidémie. ?
Au cours de cette même rencontre, Tetsuo Saito, le secrétaire général du parti politique japonais Kōmeitō, a par ailleurs noté que la collaboration renforcée entre le Japon et la Chine permettrait d'empêcher la propagation du virus et de l'éradiquer prochainement.
? Face à cette épidémie, le monde a montré qu'il était une communauté de destin ?, observe Long Xingchun, un professeur à la Faculté des langues étrangères de l'Université normale occidentale de Chine (CWNU), qui apprécie qu'au-delà des envois de matériel médical, le Japon utilise de la poésie ancienne – qui lie culturellement la Chine et le Japon?pour se rapprocher de la population chinoise et renforcer l'amitié avec la Chine.
Connexions culturelles
? Les connexions culturelles ont montré leur pouvoir en rapprochant les peuples dans cette lutte commune. [...] Cela permet à la population de ressentir de la compassion et de l'amour pour tous, ce qui est extrêmement important dans des périodes de ce type ?, analyse Hirotake Ran, un professeur d'études de l'Asie de l'Est à l'Université Musashino à Tokyo, faisant écho à Long Xingchun.
La calligraphie constitue une autre connexion culturelle entre la Chine et le Japon.
Dans une vidéo enregistrée chez lui, Tomiichi Murayama, un ancien Premier ministre du Japon aujourd'hui agé de 96 ans, écrit ? Wuhan, reste forte ? (武漢加油) en caractères chinois et déclame son message de solidarité avec le peuple chinois.
Inspiré par la poésie, Yukio Hatoyama, un autre ancien Premier ministre du Japon, a écrit la phrase du prince japonais vieille de 1300 ans et exprimé son soutien au peuple chinois dans une vidéo : ? Je veux envoyer ce message à mes amis qui combattent le virus à Wuhan, dans la province de Hubei, et partout ailleurs en Chine. Nous sommes une communauté de destin pour l'humanité et j'espère que tout le monde parviendra à surmonter ces temps difficiles. ?
Selon Rebecca Li, une experte de l'étiquette transculturelle à Beijing, le Japon est le pays le plus proche de la Chine en ce qui concerne la culture. Alors que de nombreux pays ont proposé leur soutien à la Chine, le Japon se démarque notamment du fait de la résonance culturelle entre les deux pays.
? Les Chinois apprécient particulièrement lorsqu'ils voient de la poésie ancienne sur les colis de dons. Ces poèmes sont tous des expressions d'amitié et de bonne volonté, faisant sentir à la population qu'une meilleure relation sino-japonaise est assurée ?, souligne-t-elle.
(Rédactrice : Claire SHENG)